La première fois que j’ai emmené mon neveu au ball-trap, je me suis souvenu de ma propre initiation. J’avais cette même expression – un mélange d’excitation et d’appréhension – que j’observe chez tous les débutants qui franchissent le seuil de mon armurerie. Quand on tient un fusil pour la première fois, les mains moites et le cœur qui bat la chamade, on apprend vite que le tir n’est pas qu’une question de technique.
Le jour où j’ai compris que mon mental était mon pire ennemi
C’était un dimanche d’automne, le genre de journée où la lumière rasante rend difficile le repérage des plateaux oranges. J’étais jeune, peut-être trop confiant après quelques semaines d’entraînement au stand. Le propriétaire du domaine m’avait invité à participer à ma première compétition amicale.
J’avais préparé mon Browning avec un soin maniaque, nettoyé chaque pièce, vérifié les cartouches – des classiques 28 grammes que je charge encore dans mon atelier. La mécanique était parfaite, mais mon cerveau était en ébullition. Dès que le premier tireur a brisé le silence par son « Pull! » commandant l’envol du plateau, j’ai senti cette pression monter.
Mon tour est arrivé. Position d’attente, fusil calé contre l’épaule, œil directeur aligné. Quand j’ai prononcé la commande, le plateau a jailli comme une comète orange. Et j’ai complètement figé. Deux coups tirés, deux nuages de plombs dans le vide. La sueur perlait sur mon front malgré la fraîcheur de cette matinée.
Ce premier échec m’a appris que le ball-trap révèle notre capacité à gérer la pression. Il existe d’ailleurs plusieurs façons de travailler ce sang-froid:
- La préparation mentale avant le tir
- La respiration contrôlée pendant la séquence
- L’acceptance de l’erreur comme partie du processus
- L’automatisation des gestes techniques
Quand la technique s’efface devant le mental
Après quarante ans passés derrière mon comptoir d’armurerie et sur les pas de tir, je peux vous affirmer une chose: la différence entre un bon tireur et un champion se situe rarement dans l’équipement. Elle réside dans cette capacité à conserver son calme quand la pression monte.
Je me souviens de Michel Dacher, un champion régional qui venait régler ses fusils chez moi. Ce gaillard avait un vieux Beretta qui avait connu des jours meilleurs, mais son sang-froid était légendaire. Pendant que les autres tireurs plus jeunes avec leur matériel dernier cri s’écroulaient psychologiquement en compétition, Michel alignait les plateaux avec une régularité de métronome.
Ce que j’ai appris en observant ces tireurs d’exception, c’est que la routine est l’amie du sang-froid. Voici comment ils structurent généralement leur approche:
- Établir un rituel immuable avant chaque tir
- Visualiser mentalement la trajectoire avant d’appeler le plateau
- Concentrer l’attention sur la respiration plutôt que sur l’enjeu
- Accepter l’échec d’un plateau pour mieux préparer le suivant
Des outils concrets pour gérer la pression au pas de tir
Dans mon armurerie, je ne vends pas que des fusils et des cartouches. Je partage aussi des conseils qui valent bien plus que le meilleur calibre. Pour développer votre sang-froid, voici un tableau des techniques que j’enseigne à mes clients:
Technique | Application au ball-trap | Bénéfice mental |
---|---|---|
Respiration 4-7-8 | 4s d’inspiration, 7s de rétention, 8s d’expiration avant le tir | Réduction de l’anxiété et stabilisation du rythme cardiaque |
Ancrage sensoriel | Contact conscient avec la crosse, poids du fusil | Retour au moment présent, diminution des pensées parasites |
Visualisation positive | S’imaginer briser le plateau avant de tirer | Programmation du cerveau et des réflexes |
J’ai vu des tireurs transformés par ces pratiques simples. La pression ne disparaît jamais complètement, mais elle devient une alliée plutôt qu’une ennemie. Comme me disait mon vieux mentor: « La pression fait des diamants, pas des cendres. »
L’échec comme tremplin vers l’excellence
Mon premier fiasco au ball-trap m’a ouvert les yeux. L’échec n’est pas une fin mais un début. Après cette première compétition désastreuse, j’ai commencé à tenir un carnet de tir, notant mes réactions émotionnelles autant que mes scores.
Aujourd’hui, quand un jeune tireur entre dans ma boutique après une contre-performance, je lui raconte souvent cette histoire. Je lui montre aussi les marques de calibres sur les murs, témoins de quatre décennies d’histoire et d’évolution. Les armes changent, mais les défis mentaux restent les mêmes.
Le sang-froid ne s’achète pas dans une armurerie. Il se forge tir après tir, échec après échec. C’est peut-être la plus belle leçon que m’a enseignée ce sport: la persévérance dans l’adversité façonne non seulement le tireur, mais aussi l’homme derrière le fusil.